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La plaie et le couteau – Et si la victime était son bourreau…
Maïdi H.
Lausanne – Paris : Ed. Delachaux et Niestlé, Coll. Champs psychanalytiques, 2003, 223 p.

    La collection « Champs psychanalytiques » dirigée par Elsa Schmid-Kitsikis a déjà publié plus d’une vingtaine d’ouvrages dont les thèmes touchent au plus près nos réflexions et notre pratique.
    Houari Maïdi est psychanalyste, docteur en psychologie et en psychopathologie psychanalytique, chargé de cours à Paris V et à Paris X et président du GREPP à Paris. Son livre s’ouvre sur un passage de Baudelaire dans L’héautontimorouménos :
                « Je suis la plaie et le couteau !
                Je suis le soufflet et la joue !
                Je suis les membres et la roue !
                Et la victime et le bourreau ! »
    Le programme de Houari Maïdi est exposé dès les premières lignes de l’ouvrage : la victimologie clinique, soit une autre forme de pathologie que celle induite par les traumatismes naturels, accidentels, meurtriers, guerriers, …
    La victimologie clinique concerne ces personnes qui perçoivent leur vie sous l’angle d’une douleur endurée et provoquée par d’autres : le syndrome de « victimité » (néologisme qu’utilise l’auteur pour désigner ces personnalités qui ont une inclinaison incoercible à se poser comme victime). Houari Maïdi entend ne donner à cette terminologie qu’une valeur descriptive.
      L’ existence de ces sujets est donc marquée d’une frappe négative, celle du mauvais sort, d’une naissance et d’une vie vouées à l’échec, au malheur d’un destin accablant.
      On croisera dans ces situations mélancolie, authentiques paranoïas sensitives, deuils pathologiques, accumulations répétitives de pertes, de haines, de persécutions et la place si difficile à cerner du masochisme.
      Le programme promis dans les premières pages est vaste, il est soutenu dans l’ensemble du livre. Les références à l’œuvre freudienne sont constantes et pour ne citer de celles-ci, mais elles ont à l’évidence dans ce travail une place privilégiée : « On bat un enfant, le Président Schreber ».
      Le « je suis venu au monde pour être victime » nécessite à l’évidence d’être exploré dans l’histoire du sujet en tentant d’y découvrir des formes de soumissions des plus précoces aux plus archaïques et d’interroger la place du sujet dans sa famille, parents et fratrie, où ces empreintes douloureuses et réclamées s’inscrivent très tôt.
      Ajoutons que les intertitres facilitant la lecture sont très parlants : masochisme moral et besoin inconscient de punition, aux confins du masochisme : la jouissance, la paranoïa somatica, le lien haine-amour dans la persécution, de la culpabilité d’être à l’être de culpabilité, peut-on être innocent lorsqu’on aime un coupable ? le syndrome de Münchhausen…
      Dans sa conclusion, l’auteur paraphrase une phrase de Freud : « Perdre l’objet n’est jamais que le reperdre » : accepterait-il paraphrase sur paraphrase « Perdre l’objet pour ne cesser de le reprendre » ?

Dr Jean-Paul Liauzu, Rédacteur en chef
L’information psychiatrique, vol. 80, N° 2, février 2004